Le Roi Albert II
par Vincent Leroy
Son Altesse Royale Albert, Félix, Humbert, Théodore, Christian, Eugène, Marie de Saxe-Cobourg-Gotha, prince de Belgique, voit le jour le 6 juin 1934 au château du Stuyvenbergh. Il est le troisième enfant du roi Léopold III et de la reine Astrid. Le petit prince reçoit le prénom de son grand-père paternel, Albert Ier, décédé quelques mois plus tôt. Conformément à un vœu de ce dernier, il obtient également le titre de prince de Liège.
Albert effectue son premier engagement officiel le 7 juillet 1935 lors de la mémorable Joyeuse Entrée de ses parents à Liège. A la surprise générale, la reine Astrid emmène son fils cadet et le présente aux Liégeois au balcon de l’hôtel de ville. Malheureusement, quelques semaines plus tard, la douce et belle Astrid perd la vie dans un accident de voiture à Küssnacht en Suisse. Albert ne gardera aucun souvenir de sa maman.
Comme ses deux aînés Joséphine-Charlotte et Baudouin, le prince connaît les heures sombres de la deuxième guerre mondiale, le remariage de leur père avec Lilian Baels en 1941, la naissance de leur demi-frère Alexandre, la déportation par les Allemands dans la forteresse d’Hirschtein, la Question Royale et l’exil à Prégny en Suisse de 1945 à 1950. Le roi Léopold III et sa famille reviennent en Belgique durant l’été 1950. Albert y termine ses études secondaires. En 1951, suite à la prestation de serment de son frère, le prince de Liège devient le premier dans l’ordre de succession au trône et le restera jusqu’en 1993.
Comme tous les hommes de la famille royale, Albert entreprend ensuite une formation militaire au sein de la marine. Il sera promu aspirant en 1953, enseigne de vaisseau en 1954, lieutenant de vaisseau en 1957, capitaine de frégate en 1959, capitaine de vaisseau en 1964 et enfin commodore en 1971.
Au cours de la décennie, Albert voit encore l’arrivée de deux demi-sœurs : la princesse Marie-Christine en 1951 et la princesse Marie-Esméralda, dont il est le parrain, en 1956. Les photos des années 50 montrent l’amour et la complicité qui régnaient à cette époque au sein de cette « famille recomposée ». De son côté, Joséphine-Charlotte quitte la Belgique pour épouser le grand-duc héritier Jean de Luxembourg. L’un de leurs fils, Henri, est le filleul d’Albert et l’actuel souverain du grand-duché.
En 1958, le prince de Liège participe aux nombreuses festivités organisées à l’occasion de l’Exposition Universelle de Bruxelles, inaugure le parc de Bokrijk dans le Limbourg et représente le roi Baudouin aux cérémonies de couronnement du pape Jean XXIII au Vatican. Lors d’une réception à l’ambassade de Belgique, il rencontre Paola Ruffo di Calabria, jeune et belle femme issue de l’aristocratie italienne. Albert et Paola se marient le 2 juillet 1959 à Bruxelles. Le couple aura trois enfants. Pendant presque quarante ans, le prince Albert représente son frère dans une multitude de cérémonies en Belgique et à l’étranger. En 1954, il est nommé président du conseil général de la Caisse d’Epargne et de Retraite (C.G.E.R.). Il le reste jusqu’en 1991, année où cet organe est supprimé. Le 11 mars 1958, Albert prête serment en tant que sénateur de droit et prononce un discours sur le commerce maritime.
Au fil des ans, il assiste aux séances du Sénat consacrées aux thèmes qui l’intéressent. En 1958, le prince est nommé président d’honneur du Comité Olympique et Interfédéral Belge, et est également membre du Comité International Olympique de 1958 à 1968. C’est lui qui remettait chaque année le Trophée National du Mérite Sportif à l’hôtel de ville de Bruxelles. Le 1er décembre 1958, le prince Albert devient président de la Croix-Rouge de Belgique. Son mandat est renouvelé tous les quatre ans. Ce n’est pas un poste honorifique : il préside le conseil national (deux fois par an) et le comité national de direction (six fois par an), il lance chaque année la Quinzaine de la Croix-Rouge, il rencontre les bénévoles des sections locales, il récompense les donneurs de sang les plus assidus, etc. C’est la princesse Astrid qui lui succèdera de 1994 à 2007 à la présidence de la Croix-Rouge. En 1962, Albert devient le président d’honneur de l’Office Belge du Commerce Extérieur. A ce titre, il a présidé en trente ans plus de cent missions économiques de plusieurs jours à l’étranger. La présence du frère du Roi à la tête d’une délégation facilite la signature de contrats pour les entreprises belges qui sont reçues par les plus hautes autorités du pays. Afin de lui rendre hommage, la F.E.B. et la Fondation Roi Baudouin créent en 1984 le Fonds Prince Albert, qui remet chaque année des bourses pour la formation de jeunes cadres belges désireux de se lancer dans l’exportation. Enfin, la protection de l’environnement et du patrimoine retenait également l’attention du prince. Il a prononcé plusieurs discours avant-gardistes sur le sujet, notamment lorsqu’il préside en 1972 la délégation belge à la première conférence des Nations-Unies sur l’Environnement.
Son destin bascule suite au décès de son frère Baudouin. Le 9 août 1993, Albert II prête serment au Parlement dans les trois langues nationales et devient le sixième roi des Belges. Contrairement à ses prédécesseurs, il règne sur un Etat fédéral dont il a signé la nouvelle Constitution le 17 février 1994. La fédéralisation de la Belgique et la prise de décisions communes par l’Otan et l’Union Européenne diminuent les pouvoirs royaux. Des compétences glissent au fil des ans vers les communautés et les régions, dont le Roi ne signe pas les décrets et ordonnances. Un exemple concret : depuis 2002, ce n’est plus lui qui signe l’acte de nomination des bourgmestres de nos 589 communes et des gouverneurs de nos 10 provinces, mais le ministre régional des Affaires intérieures.
Quel est le rôle du souverain d’une monarchie constitutionnelle dans un Etat fédéral du début du XXIème siècle ? Soyons clair : son action ne se traduit pas par la mise en œuvre d’un pouvoir personnel qui pourrait s’exercer sans l’accord du monde politique. C’est par l’avis, la suggestion, la mise en garde, l’avertissement et l’encouragement lors de ses audiences avec tous ceux qui interviennent dans la vie de l’Etat que le Roi exerce son action. Sa perspective est celle de la continuité et des objectifs que le pays doit accomplir sur le long terme. Albert II a très bien compris les limites de son rôle qu’il effectue depuis 1993 avec compétence, simplicité et sagesse. Il n’a commis aucun faux pas politique à ce jour.
Dans son discours de Noël 2001, il déclare que le soutien du civisme fédéral est le premier rôle du roi des Belges : « C’est avec cet objectif de service au pays que je poursuivrai ma tâche, dont la priorité est d’encourager son indispensable cohésion. Cette union dans le respect de la diversité est d’ailleurs clairement souhaitée par la très grande majorité des Belges ».
La lutte contre la traite des êtres humains, la maltraitance des enfants, le racisme et la xénophobie sont les grands combats qu’Albert II mène sur le long terme depuis son accession au trône. Il refuse de recevoir en audience les élus d’extrême-droite et soutient l’action du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme. En politique étrangère, c’est un Européen convaincu qui accorde beaucoup d’importance à nos anciennes colonies d’Afrique centrale et à l’image de la Belgique à l’étranger.